L'uchronie a pris possession des lieux au Palais de la Bourse à Marseille et ce jusqu'au 8 mai. L’uchronie ou l’Histoire telle qu’elle aurait pu être, c'est ce que propose depuis 2013 la CCI Marseille Provence avec son initiative culturelle « 13 scenarii d’économie-fiction ». Treize tamdem, composés d'un(e) graphiste et d'un(e) journaliste ont été invités à imaginer une suite à des entreprises ou marques qui furent emblématiques du territoire mais aujourd'hui disparues. Pour ressusciter et imaginer ces treize destins entrepreneuriaux, les duos se sont appuyés sur la collection (un patrimoine assez inédit en Europe) des publicités anciennes de la CCI Marseille Provence.
Lors des éditions précédentes, le choix des illustrations s’était porté sur de grandes affiches, certaines signées par des artistes réputés. En cette année 2016, l’accent est mis sur des « réclames » de format réduit, moins tapageuses, mais tout aussi attachantes : les « P.L.V. », les publicités sur les lieux de vente, affichettes, cartons, images publicitaires d’un autre temps destinées à favoriser la consommation.
Une autre façon d'appréhender l'histoire
À n’en pas douter, semblables visuels furent accrochés à l’intérieur des parfumeries Lorenzy-Palanca sur la Canebière, rues de la République et Saint-Ferréol, suspendus dans les épiceries de quartiers pour les Pâtes Codou, les grands cafés proposant les bières Velten, punaisés chez les revendeurs des cartes à jouer Camoin, dans les agences d’Oranie de l’armement Sicard, les halls de cinémas pour les films distribués par les Méric, dans les garages pour les huiles Rastit, les aérodromes (on en a même retrouvé une trace sur les lieux du palace Negresco) pour la préfiguration de la société de transports aériens Maïcon, « scotchés » enfin dans les granges pour les Raffineries de Soufre Réunies.
Ces réclames éditées en de petits tirages permettent en 2016, tout en suivant l’évolution de la publicité, d’apprécier les mutations sociétales des décennies 1880 à 1950, le changement des graphismes, les évolutions techniques… Des voiles se lèvent ainsi sur des fabrications et usines quelque peu oubliées, où l’on découvre des transports aériens à deux places proposés entre Nice et Marseille, des cartes chinoises éditées à Marseille, la Parfumerie Lorenzy-Palanca tirant un journal professionnel à 7000 exemplaires, le spécialiste en matériels vinicoles Victor Coq faisant « tourner » par ses ouvriers des obus durant la Grande Guerre, bien avant qu’il n’importe et améliore les premières machines à vendanger américaines en Europe, et bien d’autres éléments constitutifs de la mémoire économique métropolitaine.
Carte planche aux mots et aux pixels
À leur tour, à partir de ces historiques, les tandem contemporains avaient carte blanche (mots de passe : humour, fantaisie, impertinence, loufoquerie...) pour inventer un futur et revisiter images de marque, logos et slogans. À la fabrication du savon « La Girafe » a succédé ainsi celle des peignes et des grues ; les moteurs Maïcon équipent des machines à coudre les pièces aéronautiques, les studios Méric font jouer des acteurs virtuels, les tarots Camoin prédisent l’avenir grâce à une lunette digitalo-cognitive, et ainsi de suite...
Autant d’extrapolations débridées, en toute liberté, nourries d’éléments authentiques, à découvrir dans le Grand Hall du Palais de la Bourse et sa galerie des expositions adjacente (Cf. pdf sur cette page).
M.H-B
« 13 scénarii d’économie-fiction »
Sur une idée originale de Laurent Carenzo
Scénographie Stephan Muntaner
Commissariat Patrick Boulanger
Du 4 avril au 8 mai - Palais de la Bourse - 9, La Canebière - 13001 Marseille
Entrée libre et gratuite
Les journalistes et graphistes de l’édition 2016
Marie-Hélène Balivet et Pako pour les Cinématographes Méric, Laurence Bottero et Alain Delluc pour les Huiles Rastit, Michel Cardoze et Cédric Malo Tabas pour les Raffineries de Soufre, Laurent Carenzo et Stephan Muntaner pour les Savons La Girafe, Adeline Descamps et Adrien Bargin pour les Transports Maïcon, Jean-Pierre Gonguet et Nicolas Aubert pour les Matériels aixois Coq, Stéphanie Harounyan et Stéphane Lamalle pour les Dattes Cassoute, Frédéric Legrand et Thomas Serrière pour les Bières Velten, Michel Martin-Rolland et Nicolas Bastien pour les Pâtes Codou, Franck Meynial et Patrick Lindsay pour la Société Générale des Tuileries, Paul Molga et Antonin Doussot pour les Parfums Lorenzy-Palanca, Thibault Teillard et Martin Carrese pour les Cartes Camoin, Alexandra Zilbermann et Eric Pringels pour les Armateurs Sicard |