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1er accélérateur des 146 000 entreprises de la Métropole

[Enquête 1/3] Et si Marseille Provence créait son propre « grand événement » ?

Et maintenant que la métropole du sud de la France a (é)prouvé sa capacité à attirer sur le territoire de grands événements, ne pourrait-elle pas aller au-delà ... en générant autre chose. Une marque notoire à l'instar de Roubaix pour le cyclisme, de Monaco pour la F1, de ... Enquête. 
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    Mercredi 27 septembre 2017

     

    Ils se sont de toute évidence pris au jeu. Le souvenir de la Coupe du Monde du Rugby, « l’effet » Marseille-Provence Capitale européenne de la Culture, le bénéfice de l’Euro 2016, l'obtention de la Capitale européenne du Sport 2017 et désormais des épreuves de voile des JO 2024 ... ont donnéla gagne aux décideurs locaux, convaincus que l’accueil de « grands événements sportifs internationaux » (GESI, selon l'acronyme officiel) sont des accélérateurs pour le territoire.Et maintenant que les jeux sont faits, Aix-Marseille Provence ne pourrait-elle aller au-delà en générant un événement qui devienne sa marque propre ?

    Voila des siècles que le sport cristallise enjeux, défis et compétition entre cités, pose Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, Institut de relations internationales et stratégiques, figure médiatique et néanmoins spécialiste de la « géopolitique du sport » (lire son entretien ici). Au-delà du prestige et de l’image flatteuse refletés par le pouvoir de la compétition sportive, la possibilité d’y accrocher une rente financière a rajouté du sport (la course à l’organisation, aux sponsors, aux médias...) au sport.

     

    Si le sport fait partie des ministères les moins dotés par les allocations budgétaires, des signes, somme toute confidentiels, accréditent néanmoins l’intérêt croissant pour cette discipline qui véhicule bien des valeurs. Comme la création en 2014 d’une instance diplomatique spécifiquement dédiée avec un poste d’ambassadeur, occupé aujourd’hui par Philippe Vinogradoff, l’ancien consul général de France à Miami. Ou encore la mise sur pied en 2015 d’un Comité stratégique pour la filière sport fédérant État, collectivités locales, entreprises, experts et acteurs du milieu sportif  : une démarche motivée par la volonté de structurer un écosystème autour de l’économie du sport et de favoriser l’accès des entreprises françaises à la croissance générée par ce marché au niveau mondial.

    Les choses ont également changé dans l’approche des modèles économiques relatifs à la construction et à la gestion des installations sportives, mais aussi dans la manière de candidater à un événement sportif, d’y associer les entreprises, de penser des stratégies offensives et concertées... Comme l'illustre le plan d’accompagnement de la candidature française aux JO 2024, dont Marseille est partie prenante.

    L’accueil de grands événements sportifs internationaux en France, ceux reçus reécemment (Eurobasket 2015, Euro 2016) ou qui vont s’y poser, ainsi que les grands rendez-vous sportifs récurrents, comme Roland-Garros ou le Tour de France, sont assimilées comme autant de « vitrines de l’excellence française ». L’admettre ne fait plus vraiment débat.

     

    Marché mondial de 50 Md$

    TOP 5 des manifestations sportives les plus rentables de la planète. Le classement est établi sur la base de la moyenne des revenus provenant des droits TV, des sponsors, de la billetterie et du merchandising. Le tournoi de NBA est hors-jeu.

     

    Le constat semble sans appel, l’impact est revendiqué comme évident et pluriel, les opportunités de développement comme avérées. Le marché mondial des GESI est estimé à près de 50 Md€ par an (selon le ministère des Sports).

    La croissance de la demande sportive mondiale, notamment dans les pays émergents, éargit le terrain de jeu aux entreprises françaises, tant en matière d’équipements que d’offres de services. L’image et la médiatisation conjuguées se traduisent par des retombées économiques, a fortiori pour le secteur du tourisme, et sociales à travers la création d’emplois. Il suffit de lire quelques bilans de villes moyennes qui ont acceuilli par exemple des matches de l'Euro 2016. Saint-Étienne a estimé les retombées économiques du championnat de foot à 45 M€ alors qu’elle avait investi 2,6 millions. Au total, 185 000 touristes, dépensant en moyenne 199 euros sur place, se sont rendus dans la capitale ligérienne pendant la compétition. Pour 1€ investi, 17€ auraient été dépensés par les supporters (cf. Les chiffres de l’Euro 2016)

     

    Des initiatives intéressantes engendrées

    Ce marché émergent a aussi nourri des initiatives intéressantes depuis une vingtaine d’années. À l’instar du projet Sports Event Network for Tourism and Economic Development of the Alpine Space (SENTEDALPS), né en 2000 dans le cadre d’un programme européen, avec la vocation de renforcer le transfert de connaissances dans le domaine de l’organisation d’événements sportifs, assimilés de facto à des outils utiles au développement durable des territoires qui les organisent.

    Cette initiative-modèle, constitué par un réseau de cinq pays partenaires de l’Arc alpin (Autriche, France, Italie, Slovénie et Suisse) et composé de personnalités d’horizons divers, de la recherche, du privé et des collectivités publiques, élabore des guides destinés aux collectivités publiques, organisateurs d’événements sportifs et plus généralement au mouvement sportif.

    Autres initiatives, à Paris, le forum international City Events, créé en 2010, permet chaque année de croiser les opportunités et les savoirs en vue de « construire le sport de demain ». Mais aussi les Rencontres internationales des grands événements sportifs (RIGES), le rendez-vous « marchés » de Business France à l’adresse des entreprises pour leur faire connaître les opportunités à l’international et qui a lieu chaque année au printemps.

     

    Opportunité économique versus utilité sociale

    Pour une partie des économistes, ayant conduit des recherches en économie du sport, l’intérêt de la grande manifestation serait davantage médiatique et politique que financier. Ils considèrent avant tout que l’ « utilité » d’une compétition doit d’abord se mesurer par ses impacts sociaux, suggérant ainsi que la raison d’être reste celle d’une manifestation sportive avant d’être une opportunité économique.

    "Les études d’impact montrent que les retombées sont bien souvent très éloignées des espoirs de départ », relève Patrice Bouvet, économiste du sport, maître de conférence à l’université de Poitiers. « Si l’aspect économique est important, les effets non économiques le sont tout autant, à savoir le lien social, l’identité, la cohésion. Si le Qatar investit à fonds perdus, c’est une chose, mais si c’est le Brésil, l’engagement est plus discutable... N’oublions pas que Grenoble a payé ses JO pendant 20 ans », rappelle ce chercheur au parcours académique quasi exclusivement ancré dans l’économie du sport.

     

    Effet pervers lié à la surenchère

    Pour ce type d’événements, la pression est énorme et peut rapidement virer à la surenchère entre les candidats, et dans la frénésie des investissements, les impôts des contribuables s’en ressentent. L’anticipation n’est pas toujours évidente, et la compensation en retombées économiques, pas toujours assurée non plus.

    Les coûts d’infrastructures (sportives et non sportives) de certains événements ont été épinglés récemment pour avoir atteint des sommets financiers - 50 Md€ en Russie pour les JO de Sotchi, un record absolu. Finalement, Los Angeles (1984) s’en est mieux sortie (seules olympiades à afficher l’équilibre), probablement en lien avec l’absence de concurrence et l’investissement de grandes entreprises. D’où la pertinence d’une alliance public-privé.

     

    Gagner une nouvelle notoriété n’en vaut-elle pas la flamme ?

    Pourquoi de tels gouffres ? Pour l’économiste du sport Wladimir Andreff, les études commandées sont « la plupart du temps faites n’importe comment » pour trois raisons.

    D’ordre politique : « Il y a des conflits d’intérêts, tout simplement. Les sociétés de consulting ne peuvent pas remettre aux maires des études facturées quelques millions d’euros leur recommandant de laisser tomber car c’est un mauvais projet. Elles ne seraient plus jamais sollicitées... »

    D’ordre méthodologique, ensuite : « L’étude d’impact économique prend en compte souvent des éléments qui ne devraient pas être comptabilisés. Par exemple, pour les JO d’Athènes, comme pour la Coupe du monde en Afrique du Sud, le boom attendu du tourisme n’a pas été au rendez-vous. Il y a aussi des effets de substitution : ce que les gens dépensent est assimilé à des revenus pour les Jeux mais on oublie de se demander ce que les gens auraient fait de leur argent s’ils n’avaient pas été organisés ».

    Enfin, d’ordre économique : « c’est la malédiction du vainqueur de l’enchère. Le meilleur moyen de gagner, c’est de tricher un peu, de biaiser l’information. La ville choisie in fine est piégée, elle obtient l’organisation, mais aussi un déficit financier quasi certain ».

     

    Marseille, déjà de belles « marques » dans le portefeuille

     

    Marseille dans la compétition ? « Sa notoriété est bien installée, la ville est connue dans le monde entier, remarque Pierre Dantin, vice-doyen de la faculté de sports de Luminy. Son but n’est pas de se faire connaître mais de battre en brèche les stéréotypes et les préjugés, de transformer son image ». L’ex-membre du conseil de surveillance de l’OM et enfant des quartiers Nord de Marseille insiste pour sa part sur le bénévolat, essentiel à l’organisation de tout grand événement et témoin de la capacité à fédérer avec son « Je donne mais j’appartiens ».

    OM, Marseille-Cassis, Cercle des Nageurs, Open 13 : Marseille compte déjà de belles « marques » dans son portefeuille. Le sport occupe ici de longue date une place de choix. En vertu du foot bien sûr, avec ce club emblématique qu’est l’OM. Mais aussi pour la natation avec les médailles décrochées aux JO de Londres par les compétiteurs du Cercle des nageurs de Marseille (CNM) et pour les victoires du club de waterpolo.

    "Nous évoquons régulièrement l’opportunité de créer un meeting de natation, glisse Paul Leccia, président du CNM. Mais pour des compétitions internationales, deux bassins de 50 m sont nécessaires, un pour la compétition, un pour l’entraînement. On peut toujours rêver d’une piscine sur les plages ! Le bât blesse aussi sur le plan des ressources, et nous, club privé, n’avons pas les leviers financiers. Il faudrait fédérer de nombreux acteurs à commencer par la Fédération française de natation et les collectivités locales ».

    Depuis 5 ans, le CNM est cependant l’hôte de meetings européens, sous l’égide de la Ligue de Provence de natation. L’athlétisme, parent pauvre dans le cœur de médias, est également très dynamique. La SCO Sainte-Marguerite héberge régulièrement des champions, évolue sur un stade Delort entièrement rénové, a été partie prenante de la 12e édition du DécaNation en septembre 2016 pour la première fois à Marseille et organise le Marseille-Cassis depuis 1979.

    Mais les événements plus discrets, parfois surnommés « silencieux », ne sont pas à négliger non plus, vecteurs à leur manière de retombées significatives, et souvent avec moins d’impacts pour l’environnement.

     

    Un « vrai » grand événement en marque propre ?

     

    Au regard de l’accueil de matchs de foot à profusion, des rencontres dans le cadre de la Coupe du monde de rugby, de la tenue de l’Open 13 de tennis, de l’obtention de la Coupe du monde de patinage artistique et de ceux que le territoire décrochera encore, est-il nécessaire d’initier un « vrai » grand événement en marque propre ? Pour Pierre Dantin, « un grand événement ne peut être récurrent, sans quoi ce n’est plus un événement. Il n’y a pas de culture de la récurrence dans le sport, alors pourquoi chercher à l’acquérir ? ».

    Il rappelle que le territoire compte déjà une grande rencontre sportive locale, annuelle et festive : le semi-marathon Marseille-Cassis, qui attire des coureurs de tous horizons. Il insiste aussi sur la difficulté à trouver un modèle économique qui s’autofinance sans recourir à l’impôt. Marseille-Provence Capitale européenne du Sport « est une nouvelle occasion de mettre en lumière ce qui existe », relève Pierre Dantin. Il a eu en point d’orgue l’accueil de l’avant-dernière étape du Tour de France 2017, un événement-monde parmi les plus efficaces, pour braquer les télévisions du monde sur une ville. Une fenêtre de notoriété qui a toutefois un coût. La somme à verser à Amaury Sport Organisation (ASO) serait de l’ordre de 100 000 € pour être ville départ, et de 160 000 € pour accueillir l’arrivée (selon les médias spécialisés).

    Lors de la conférence de presse, l’adjoint à la Ville de Marseille en charge du Sport Richard Miron avait évoqué une contribution à hauteur de 250 000 € entièrement financée par la Ville de Marseille.

     

    L’aubaine des JO de 2024

    Le 13 septembre 2017 à Lima, le Comité international olympique (CIO) a désigné Paris, ville d’accueil des JO 2024 ce qui fait de Marseille la ville-hôte des épreuves de voile, compétition qu’elle a volée à Brest, Hyères, La Rochelle, Le Havre et Lorient.

    « Si nous avons été retenus par le comité parisien, c’est la résultante de quelque 20 ans de travaux et d’efforts pour démontrer nos compétences dans l’organisation d’événements de cette envergure », se félicite Jean-Bernard Constant.

    Pour le président du pôle voile Marseille-Provence, les plans sont prêts pour remodeler la base nautique du Roucas Blanc et aménager une marina, et la métropole dispose des capacités hôtelières et touristiques, conjuguées à un plan d’eau exceptionnel et à une certaine expérience. Ainsi de l’accueil des Jeux mondiaux de la voile (World Sailing Games) en 2002 (quelque 60 nations et 1 000 compétiteurs), des étapes de The Race, de la Coupe de l’America, de la Coupe du monde de Foil racing ... En 2017, cinq championnats d’Europe de série olympique auront lieu ici. « On entre dans le vif du sujet », conclue-t-il.

     

    Nathania Cahen

     

     

     

     

     

     Les chiffres de l’Euro 2016

    Le Centre du Droit et de l’Économie du Sport (CEDS) avait, avant le coup d’envoi, estimé l’impact économique de l’Euro 2016 pour la France et ses 10 villes hôtes à 1,266 Md€. Un potentiel de business concentré sur 31 jours de compétition et 51 rencontres, avec 150 millions de téléspectateurs par match et, en France, 2,5 millions de spectateurs attendus, dont 1,5 million de visiteurs étrangers, soit 250 000 nuitées.

    Les recettes génnérées dans les stades et les fans-zones du territoire ont été évaluées à 788 M€. Le CDES a par ailleurs calculé que la construction et la rénovation des stades auraient engendré 20 000 emplois et l’organisation de la compétition, employé plus de 94 000 personnes. Les marchés gagnés par les entreprises françaises représenteraient 80 % de la dépense engagée par l’UEFA et EURO 2016 SAS (soit près de 400 M€ au total).

     

     

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