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Fos-Genève : Ces 450 km qui pourraient être déterminants au port de Marseille

Que signifie l'ouverture de l'axe Marseille-Genève, maillon du corridor Mer du Nord-Méditerranée, obtenu après plus de deux ans d'un intense lobbying. Les enjeux ont été présentés ce 22 juin au Palais de la Bourse auprès de la communauté portuaire et d'officiels. Décryptage.
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    Vendredi 23 juin 2017

     

    Il y a un an, à l’occasion de son assemblée générale annuelle, l’Union maritime et fluviale de Marseille-Fos (UMF) en parlait comme un sujet bien engagé. L’inscription du maillon Fos-Genève dans l’un des 9 réseaux transeuropéens de transport (RTE-T) - en l'occurrence, le corridor Mer du Nord-Méditerrané suivant l’axe Irlande - Ecosse - Nord du Royaume Uni-Pays-Bas-Belgique-Luxembourg-Marseille -, est désormais une réalité. Ou du moins le sera en 2018 quand l’axe sera opérationnel.

    L’annonce a été faite dans le salon d’honneur du Palais de la Bourse à la CCI Marseille Provence ce 22 juin, devant l’ensemble de la communauté portuaire et en présence d'entreprises et d’élus (à l’instar de Renaud Muselier, président de Région), à l’occasion de la visite à Marseille de l’ambassadeur suisse. 

    Que recèle concrètement ce chaînon de 450 km qui semblait manquer au corridor n°2 et qui rapproche les villes phares de la Suisse Romande (Lausanne et Genève) du port phocéen ? Bien des enjeux en réalité. Tant en termes d’opportunités offertes à la place portuaire marseillaise pour capter de nouveaux trafics et marquer des points par rapport aux grands ports du Nord de l’Europe que de facilités (réduction du transit time notamment, un des points déterminants dans le choix d'une solution de transport) pour les entreprises clientes du port.

    Et à en croire Bernardino Regazzoni, ambassadeur de Suisse en France, la décision ne semble pas non plus insignifiante pour un « pays géographiquement enclavé comme la Suisse qui s’offre ainsi des débouchés sur la mer et pourrait aussi profiter d’une coopération améliorée entre la France et l’Allemagne. Les améliorations opérationnelles attendues sont importantes pour la Suisse romande où les industries pharmaceutique et chimique sont très actives ». Message.

     

    Colonne vertébrale du futur réseau de transport européen

    Le sujet est à relier à la politique européenne des transports et à la création (décidée en 2013) des 9 corridors (RTE-T, le réseau transeuropéen de transports), qui doivent quadriller l'Europe du Nord au Sud et d'Ouest en Est. Chaque corridor devant combiner trois modes de transport, relier trois États membres et comporter deux tronçons transfrontaliers.

    Ils seront connectés entre eux et engloberont 94 ports et 38 aéroports à terme. Le projet impose aussi de créer 15 000 km de voies ferrées à grande vitesse et de développer 35 projets d'infrastructures transfrontaliers (comme le tunnel ferroviaire mixte fret et passager entre Lyon et Turin, qui suppose un fort report modal de la route vers le rail, ou encore le canal Seine-Nord Europe, pour ce qui concerne la France). Objectifs : transformer une mosaïque de routes, voies ferrées, aéroports et canaux européens en un réseau de transport unifié tout en contribuant à la réalisation des objectifs de l'UE en matière de changement climatique (par le report d’une partie du trafic routier sur le rail ou le fleuve).

    La France est concernée par trois de ces grands axes européens multimodaux (cf. plus bas) dont celui dont il est question ici. « Il s'agit de l’une des plus importantes routes ferroviaires en Europe, a replacé le député européen Renaud Muselier, avec 34 000 trains qui circulent sur les 4 600 km de lignes en 2017, soit plus de 20 Mt transportés, bien au-delà de l’objectif assigné pour 2020 ».

    Au carrefour de deux d’entre eux, le port Marseille-Fos a donc tout intérêt à se saisir de cette opportunité pour faire valoir ses ambitions multimodales.

     

    Récupérer des trafics « évadés »

     

    « L’UMF travaille sur une liaison Fos-Genève, depuis un peu plus de deux ans et sa concrétisation est le fruit d’un jeu collectif ». Jean-Philippe Salducci, à la barre de l’UMF depuis 2013, l’organisation syndicale qui chapeaute les 22 professions portuaires, travaille en effet ce dossier « au corps » depuis quelques années et la liste de ces remerciements en dit long sur le nombre d’institutions et élus qu’il a visiblement mobilisés pour obtenir gain de cause.

    « Le corridor est géré par 6 pays à l’exception de la France et de la Suisse. Il a donc fallu gérer les 4 autres nations (Pays bas, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni, Ndlr). Nous avons rencontré tous les chargeurs et transitaires en France et en Suisse pour bâtir les études nécessaires à la mise en place de ce service. On a rencontré l’Office des transports suisses dès 2015 pour étudier la meilleure solution technique et logistique. Côté français, Réseau ferré de France nous a aidé à valider le tracé et choisir les lignes qui étaient au gabarit du corridor, économisant ainsi des investissements supplémentaires », liste le pilote de profession.

    Enjeu : replacer le port de Marseille comme le port naturel de la Suisse romande avec pour objectifs de marché : récupérer les trafics des années 90 « évadés » vers Rotterdam suite à une manque de fiabilité portuaire liée aux conflits sociaux. La place portuaire espère ainsi capter les trafics des « secteurs de l’industrie chimique et de la pharmacie, des équipements industriels et de l’électronique, mais aussi de l’agroalimentaire et grande distribution avec ceux des industries du luxe et du textile », égrène le président de l’UMF, qui a fait de l’amélioration rapide de la connexion des terminaux à conteneurs de Fos avec l’hinterland une des priorités de son mandat.

     

    1 000 conteneurs transportés créeraient 10 emplois

    Dans un premier temps, deux navettes ferroviaires par semaine au départ de Marseille devraient rallier Genève, avec l’espoir de porter à deux navettes par jour en comptant les marchandises en provenance de Gènes et de Barcelone « puisque l’on est sur le même axe » et enfin à plus longue échéance, sans autres précisions, « le rêve, avec 4 navettes par jour ».

    Selon les professionnels de la place, 1 000 conteneurs transportés créeraient 10 emplois (6 dans la logistique, 3 dans le transport et un dans le portuaire). Le potentiel du marché annuel serait de l’ordre de 16 000 conteneurs par an.

    Pour les transporteurs et entreprises, sur un plan opérationnel, c’est surtout un gain de temps : la solution permettrait de gagner 5 jours de mer par rapport aux ports du range nord (à 900 km de Genève), « ce qui nous permet d’afficher un door-to-door sur des produits textiles de 17 jours en provenance de l’Inde, de 8 jours sur les fruits secs en provenance de Turquie et seulement de 72 heures pour acheminer des produits pharmaceutiques depuis Genève sur Alger tout en réduisant les émissions de CO2 de 20 % sur ce trajet », défend le professionnel.

     

    Haropa du Sud

    « L’ouverture de cet axe est certes une bonne nouvelle pour les entreprises mais aussi pour le territoire car c’est son attractivité qui va être renforcée. L’inscription de Marseille dans les corridors européens et l’extension vers Genève nous confortent un peu plus vers la concrétisation d’une ambition : Marseille-Fos doit être vu comme la porte d’entrée du sud de l’Europe. Notre territoire et notre Port sont la passerelle naturelle vers la Méditerranée, l’Afrique et même au-delà, vers l’Asie. Cela va naturellement déplacer le barycentre des échanges vers le sud de l’Europe ».

    Jean-Luc Chauvin, le président de la CCIMP, milite notamment pour la création d’un Haropa du Sud sur le modèle de ce qu’ont initié les ports de Paris, Rouen et Le Havre (un trafic de plus de 120 millions de tonnes de marchandises) en se fédérant pour constituer ainsi le 5e ensemble portuaire nord européen derrière Rotterdam, Hambourg, Anvers et Amsterdam. 

    Port naturel de Lyon par sa proximité, le port de Marseille Fos est déjà engagé depuis quelques années dans des opérations de coordination sur son hinterland, notamment via l’Agence Medlink Ports*, réseau de plateformes multimodales de l’axe Rhône-Saône-Méditerranée, qui promeut l’offre portuaire des sites et des ports maritimes et fluviaux depuis Sète et Marseille jusqu'à Pagny.

     

    Bataille des traits d'union entre mer et terre

    « La croissance portuaire se joue à terre », clame Christine Cabau-Woehrel, la directrice générale du Grand Port maritime de Marseille, à chacun de ses rendez-vous en public (« imaginer un port sans connexions fluides à grand gabarit vers son hinterland est tout aussi absurde que d’imaginer un hypermarché au fond d’un sentier pédestre », dira dans une autre variante Jean-Philippe Salducci). Le fer est un levier d’extension du trafic et le fleuve, un vecteur de différenciation face à la concurrence, considère le GPMM.

    Autrement dit, la dynamique d’un port se mesure en effet à l’aune de sa zone de chalandise, constitué de son avant-pays marin et de son arrière-pays terrestre, le fameux hinterland où les dessertes routières, ferroviaires et fluviales sont cruciales pour pouvoir desservir les marchés les plus éloignés.

    Or, la bataille pour s’arroger des parties d’arrière-pays fait rage. Ce qui était autrefois des espaces d’extension naturelle, et donc captifs pour Marseille-Fos, tels que la zone métropolitaine autour de Lyon (au-delà, vers l’Est de la France, la Suisse, l'Allemagne du Sud et l'Autriche), mais aussi le Sud-Ouest (vers Toulouse et Bordeaux), sont aujourd’hui âprement disputés, les premiers par Anvers, Rotterdam et même Le Havre, les seconds par Barcelone ou Gênes, lesquels bénéficient de grands couloirs ferroviaires.

    D'où les 300 M€ d'investissements prévus sur dix ans par le GPMM pour développer les capacités ferroviaires d’accès à ses terminaux. Sur les 83 M€ d’investissement prévus au budget du GPMM en 2016, 55 millions étaient notamment fléchés vers le report modal ferroviaire et fluvial.

     

    « Ces corridors sont des outils complémentaires à ceux que nous avons initiés en faveur de la massification des flux, de la facilité logistique (dématérialisation des procédures, simplification douanière …), du traitement des marchandises dangereuses, inventorie Christine Cabau- Woehrel. Pour la présidente du directoire du port de Marseille, « cette étape suisse est majeure car elle va probablement dénouer des clés qui vont nous emmener en Allemagne, Belgique, Hollande et pourquoi pas, jusqu’à la Russie ».

     

    + 60 % sur les 4 dernières années

    Emblématique de cette stratégie, Medlink, que Christine Cabaud-Woerhel préside depuis le 1er janvier 2017, a initié un service (Medlink Safe) pour traiter, « avec des garanties de sûreté et de sécurité », (et donc de crédibilité) les flux à l’export de conteneurs de marchandises dangereuses sur la voie d’eau, stratégique sur ce couloir de la chimie.

    Le volume de marchandises dangereuses serait encore faible sur le Rhône avec moins de 4 % des EVP mais le groupement ambitionne de faire passer cette part modale à 20 % à terme sur l’axe Rhône-Saône-Méditerranée. Le dispositif, initié en 2016, est déjà parvenu à intéresser une vingtaine de transporteurs pour le compte de groupes chimiques notamment.

     

    « En 2016, nous avons augmenté de 8 % la part de conteneurs transitant par le fer et de 60 % sur les 4 dernières années. 26 destinations sont couvertes en France et en Europe. Genève sera la 27e. Une quinzaine d’opérateurs de transport combiné desservent actuellement les installations industrialo-portuaires ». 17 navettes ferroviaires assureraient la connexion entre Marseille et Lyon (toutefois encore loin des ports situés sur le delta Rhin-Escaut cf. Marseille-Fos, alternative sérieuse aux ports nord-européens ?)

     

    Décongestionner le noeud ferroviaire lyonnais

    Pour importante qu’elle soit, l’avancée ne reste qu'une étape sur cette chaîne qui doit rééquilibrer l'activité entre les grands ports du Nord et du Sud de l'Europe pour le dire avec bienséance. Bien que la route maritime entre l'Europe et l'Asie passe par la Méditerranée et le canal de Suez, un quart des marchandises sont chargés et déchargés aujourd’hui dans les terminaux du Sud. C'est dire que 70 à 75% des volumes partent directement vers les grandes plates-formes portuaires du nord de l'Europe.

    Pour offrir la possibilité de transférer les marchandises sur les trains depuis Valence, Barcelone ou Marseille, pour un acheminement final par ce corridor méditerranéen, l'un des deux principaux chantiers à réaliser demeure le contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise - seul moyen pour le port de Marseille Fos de représenter une alternative aux ports du nord à moyen terme quand il devra absorber des volumes de conteneurs atteignant les 4 millions d’EVP -, entend-on dire. Le canal à grand gabarit entre le Rhône et le Rhin en est un autre. Cette infrastructure devrait « libérer la croissance du mode fluvial en étendant son pouvoir d’attraction sur le bassin rhénan et les marchés cibles du port de Marseille-Fos que sont notamment la Suisse et l’Allemagne du sud », prédisent les ardents promoteurs de l’ouvrage.

     

    Adeline Descamps

     

    *Le réseau compte 16 adhérents, dont les ports multimodaux du bassin Rhône Saône (Pagny, Chalon, Mâcon, Villefranche-sur-Saône, Lyon, Vienne Sud/Salaise-Sablons, Valence, Avignon/le Pontet et Arles), les ports maritimes connectés au réseau fluvial (le GPMM et le port de Sète), le gestionnaire d’infrastructures sur le bassin Rhône-Saône (VNF), l’aménageur de sites industriels et portuaires sur le Rhône (la CNR). Ils totalisent 103 Mt, dont 1,7 million d'EVP, 7 millions de tonnes transbordées et 94 000 EVP acheminés par voie fluviale.

     

     

         Ces neuf corridors prioritaires

     

    - Méditerranée : Est de la péninsule ibérique-Italie-Hongrie-Ukraine.

    - Atlantique : ouest de la péninsule ibérique, Paris, port du Havre et Strasbourg.

    - Mer du Nord-Méditerranée  : Irlande-Glasgow au Nord du Royaume Uni-Pays-Bas-Belgique-Luxembourg-Marseille.

    - Rhin-Alpes pour connecter les ports de Rotterdam (Pays-Bas) et Anvers (Belgique) au port de Gênes en Italie.

    - Rhin-Danube pour relier Strasbourg et Francfort à la mer noire et à l'Ukraine.

    - Scandinavie-Méditerranée pour relier la Finlande et la Suède à la Sicile.

    - Orient-Méditerranée Est pour relier Rostock et Hambourg (Allemagne) à la Grèce.

    - Baltique-Adriatique pour relier Gdansk et Szczecin (Pologne) à Trieste et Venise (Italie)

    - Mer du nord-Baltique qui relie Tallin, Riga et Vilnius aux ports de Rotterdam et Anvers via la Pologne et l'Allemagne.

    La France est concernée par trois des neufs corridors : le Méditerranéen, qui reliera la péninsule ibérique à la frontière hongro-ukrainienne (Est de la péninsule ibérique-Italie-Hongrie-Ukraine). L'Atlantique, qui fait la jonction entre l'ouest de la péninsule ibérique et les ports du Havre et de Rouen à Paris, jusqu'à Strasbourg. Et enfin le corridor Mer du Nord – Méditerranéen (Irlande et Glasgow au Nord du Royaume Uni-Pays-Bas-Belgique-Luxembourg-Marseille).

    L'Union européenne s'est engagé à y consacre, dans le cadre de son programme TEN-T (2014-2020), 26 Md€.

    En réalité, la Commission estime que le projet total coûtera 250 Md€. Elle compte sur l'effet de levier, estimant que « chaque million investi au niveau européen génère cinq millions d'investissement de la part des États membres et 20 millions d'investissements de la part du secteur privé ».

     

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    Selon Les Echos, dans un papier en date de quelques jours, le tunnel ferroviaire de la ligne Lyon-Turin, pourrait entrer en service en 2029. Avec sa capacité de 40 millions de tonnes de marchandises et 5 millions de voyageurs par an, il devrait réduire le temps de trajet de plus de deux heures entre Lyon et Turin, dénouant ainsi tout le corridor ferroviaire de l'arc méditerranéen.

    Quand au plus long tunnel du monde, le Gothard, long de 57 km entre les villes de Zurich et Lugano, il a été ouvert au trafic en décembre dernier. Il aura nécessité 17 ans de travaux et a coûté près de 11 Md€. Le nouveau corridor Rhin-Alpes relie en ligne directe la Mer du Nord et la Méditerranée, du port de Rotterdam à celui de Gênes.

    Il devrait être emprunté chaque jour par 260 trains de marchandises, à une vitesse de 100 km/h, et par 65 trains de voyageurs, pouvant rouler jusqu'à 200 km/h.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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