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1er accélérateur des 146 000 entreprises de la Métropole

La Ciotat : La revanche en deux décennies des chantiers navals

 Il aura fallu deux décennies pour s’imposer parmi les spots mondiaux de la maintenance des méga-yachts. Vingt ans pour être identifié comme une plate-forme technique incontournable en Méditerranée. Comment les chantiers navals de La Ciotat sont-ils devenus une « station-service » de luxe.
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    Samedi 10 décembre 2016

    Les réputations ne sont jamais figées dans le marbre. L’Histoire se chargera de ratifier celle des chantiers navals de La Ciotat. Mais il y a d’ores et déjà quelque chose de cocasse à voir l’ancienne friche industrielle*, foyer de résistance ouvrière pendant de longues années pour enrayer l’inexorable (le déclin de la construction navale), être devenue une des adresses préférées des fortunés de ce monde pour l’entretien de leurs résidences secondaires flottants.

    Quand, sur les ruines de l’outil de travail, dont le portique porte encore l’hommage en capitales noires « Charlie Vivra », s’est posée la question la question de son devenir, il fut question un temps d’une marina. C’est finalement l’ambition industrielle qui emporta les décisions avec pour horizon : s'imposer comme un spot mondial de maintenance et de réparation des yachts.

    Aujourd’hui, sur 34 ha et 1 200 mètres de quais, le chantier ciotaden accueille une quarantaine d’entreprises et 700 emplois, recense la SEMIDEP, société pulique locale (SPL) créée en 1995 pour gérer le site, avec à son capital, la Ville de la Ciotat, l’ex communauté urbaine Marseille Provence, la région PACA et le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Depuis, quelque 83 M€ d’investissements ont été réalisés in situ, dont 32 % financés par les subventions publiques, et, jusqu’en 2008, par l’État et l’UE. Les 68 % restants ont été financés par les partenaires privés et les fonds propres de la SEMIDEP.

     

    L’argent public, pas gaspillé

     

    « Ici, l’argent public n’a pas été gaspillé. C’est une vraie réussite pour l’emploi et le territoire », lance spontanément Éric-Robert Peillard, directeur du site de la Ciotat, le plus important (45 000 m²) du groupe Monaco Marine (CA de 55 M€, 200 personnes), qui en compte 5 autres entre La Ciotat et Monaco. Soit plus de 3 000 yachts traités par an au total. « Le chantier a été ouvert en 2007 avec 25 personnes. Nous sommes 80 aujourd’hui avec un chiffre d’affaires en hausse de 20 % en 2015 au cours de laquelle une centaine de yachts ont été traités ».

    Depuis le début de son aventure à La Ciotat, le groupe, fondé il y a 20 ans par Michel Ducros, le fils du fondateur de l’empire des épices, y a engagé 21 M€, notamment dans l’acquisition de ses propres places (capacité de 13 bateaux à terre de 60 à 80 m) et plus récemment, dans un hall de peinture de dernière génération, qui confère à l’exploitation ciotadenne « un vrai facteur de différenciation ».

    Monaco Marine est, avec son alter ego Compositeworks (CA de 43 M€ au 31 mars 2016, ± 100 personnes), l’un des deux principaux maîtres d’œuvre de la renaissance industrielle du chantier naval, héritée de la défunte Normed.

     

    Numéro deux mondial

     

    « On a tout de suite cru aux potentialités de ce site sinistré et tout le monde alors nous prenait pour des fous. Nous étions des mercenaires, partant de rien. Mais la naïveté a du bon. Plus de 800 refits ont été réalisés par notre chantier depuis sa création en 1998, soit plus de 25 % de la flotte mondiale », comptabilise Ben Mennem, skipper trahi par son accent anglais. Arrivé à La Ciotat il y a près de 20 ans pour une opération « one shot » (y construire un voilier de 14 m), il est finalement resté pour se réinventer dans le refit de yachts en cofondant Compositeworks avec Mark Salman, un ingénieur en mécanique qui planchait déjà avec lui sur le design de voiliers haut de gamme en composites.

    Aujourd’hui, gaillardement, l’ex skipper de la famille Agnelli positionne son entreprise comme le numéro 2 mondial (le leader afficherait, selon lui, un CA de 65 M€) sur le segment des plus de 80 m. « Nous réalisons 25 % de notre CA sur ce créneau. En 5 ans, nous avons doublé notre croissance. Nous sommes sur une niche en pleine explosion ».

     

    Des objets de valeur

     

    C’est aussi avec Monaco Marine, son « frenemy » positionné sur les mêmes marchés, qu’ils ont contribué à structurer in situ une chaîne de services de qualité autour de la maintenance de ces objets d’une valeur additionnant parfois des centaines de millions d’euros (dans le top 10, les prix s’échelonnent entre 200 M$ pour le Rising Sun, propriété du CEO d’Oracle à 4,8 Md$ pour le History Supreme de l’homme d’affaires malaisien Robert Kuok).

    « On a fait monter en gamme, dans des moments difficiles, la filière locale. Nous versons 22 M€ en sous-traitance. 250 entreprises travaillent pour nous chaque jour induisant 300 emplois. En totalisant les retombées indirectes générées par la présence des membres d’équipages sur le chantier (qui peuvent aller de de 15 j à plusieurs mois), ce sont quelque 10 M€ injectés dans le territoires (40 000 nuitées de membres d’équipage ont été comptabilisées à La Ciotat en 2014, NDLR) », insiste Ben Mennem.

    Même sémantique chez Monaco Marine : « nous faisons travailler 450 personnes en sous-traitance représentant 14 corps de métier différents. Le marché pousse et tout le monde en profite », indique Éric-Robert Peillard, qui veut rendre son chantier incontournable sur les opérations à plus de 5 M€, en particulier intérieures grâce à son expertise « de plus en plus reconnue dans les travaux de peinture ».

     

    21 super-yachts de 100 m en construction

     

    L'activité de refit fait en effet le plein de yachts, dans tous les pays et dans chaque chantier, suivant en cela la construction qui a repris la vague après deux années de calme plat. Selon le Global Order Book (carnet de commandes global) publié par Boat International pour l'année 2016, le nombre de nouveaux yachts en commande ou en construction est en hausse avec 755 super yachts de 24 m et plus, marché trusté par la triade Italie, les Pays-Bas et la Turquie.

    Dans ce marché gagné par le gigantisme, les projets à plus de 100 m n’étonnent plus : 21 super-yachts de 100 m et plus sont en cours de construction (quatre ont été livrés en 2015).

     

    Aubaine géographique

    « La concurrence n’est pas mondiale, analyse Ben Mennem. Elle se situe entre ports méditerranéens ». Et de citer : Marina Barcelona 92 et Amico & Co à Gênes.

    Alors que quelque 6 294 yachts cabotent dans les eaux du monde entier, dont 5063 yachts de plus de 30 m, selon Superyachts Intelligence, la majorité des grandes unités navigue d’avril à septembre entre Monaco, Cannes, Antibes et Saint-Tropez, effet Grand Prix de Monaco, Festival de Cannes et …ostentation sur le quai des milliardaires ! Pour les chantiers bordant le littoral (certes Monaco Marine, Compositeworks et H2X à La Ciotat mais aussi IMS à Toulon Saint-Mandrier, ITM à Marseille, Foselev à La Seyne-sur-Mer), c'est une aubaine géographique.

     

    Refus du travail faute d’espaces

     

    Avec ses 113 yachts traités en 2015, Compositeworks a, pour la première fois en 2015, délocalisé dans le port de Marseille une partie de son activité. Un manque à gagner de 7 M€ pour l’arsenal de La Ciotat. L’entreprise n’a pas pour autant évité de décliner la demande. Une aberration économique qui a pesé aussi sur son résultat net même s’il reste positif (1,7 M€). « On a refusé 10 bateaux, représentant entre 5 et 10 M€. On peut imaginer un futur plus important ici. On a déjà investi ici 15 M€ et on est prêt à aller plus loin », lance Ben Menem, qui communique étrangement pour la première fois sous la forme d’une conférence de presse. Il n’évoquera jamais franchement l’appel d’offre en cours pour exploiter la grande forme, un radoub de 360 m de long.

    Mais entre les lignes, il faudra lire : « Nous sommes des étrangers mais c’est devenu chez nous. Notre attachement à ce territoire est tel que nous souhaiterions en priorité́ agrandir nos capacités sur le territoire. Mais nous étudions aussi des possibilités ailleurs », dilue-t-il, saluant dans un même élan le « jeu collectif » du territoire, Patrick Boré, le député-maire de La Ciotat et l’implication de l'aménageur, à qui il loue notamment les linéaires de quai.

    L’entreprise, qui s’apprête à réceptionner un bateau de 140 m, a déjà enregistré 5 demandes pour des bateaux de plus de 100 m pour les étés 2016 et 2017.

     

    Saturé au-delà des capacités

     

    Monaco Marine, qui a également saturé en 2015 son outil au-delà ses capacités, revendique aussi un usage exclusif de la grande forme. Le groupe monégasque, qui avait procédé à une opération de croissance externe en 2012 pour acquérir Antibes Marine Chantier, est parallèlement en quête d’un autre site pour traiter des mega-yachts tandis qu’il réceptionnera la nouvelle implantation de la Seyne-sur-mer (dans le Var) mi-2017 (cf. Encadre). 

    « On s’est beaucoup investi sur ce site. On fait partie des opérateurs historiques. On a tenu toutes nos promesses, liste Éric-Robert Peillard. On a un actionnaire solide et familial. La mise en service de la nouvelle grande forme marque la deuxième étape de la vie des chantiers navals de la Ciotat en le dotant d’un outil à la hauteur d’un marché en pleine explosion ».

    Cette pénurie de place, les anciens se souviennent qu’elle avait déjà fait échouer en 1999 le projet d'International Marine Service (IMS). « La perte modérée de chiffre d’affaires résulte des travaux de la grande forme, réagit Jean-Yves Saussol directeur général de la SEMIDEP depuis le 1er août 2015. Le moment où le linéaire de quai vient à manquer correspond à quelques jours dans l’année ».

     

    Accueillir des yachts de 150 à 180 m

     

    La SPL a néanmoins entrepris le réaménagement de la grande forme, dont les travaux ont démarré en octobre dernier et dont la livraison dans sa nouvelle configuration est prévue pour novembre 2016. Opérationnel depuis 1969, le bassin de 360 m de long, pour 60 m de large et 9 m de profondeur, et aurait la capacité de générer « entre 30 et 40 M€ de chiffre d’affaires ». Après travaux, l’outil pourra accueillir des yachts jusqu’à 180 m, pour des séjours de longue et moyenne durée.

    « Il s’agit de pouvoir positionner le bateau-porte à 200 m du fond, de manière à disposer d’une cale sèche plus adaptée à l’accueil des très grands yachts », détaille Jean-Yves Saussol, précisant que cette opération permettra de dégager, pendant les passages en forme, plus de 130 m de linéaire de quai, libérant ainsi de l'espace pour les travaux sur des navires à flot. Un investissement de 15,8 M€, dont 4,5 M€ pour le seul bateau-porte.

    Pour exploiter cet outil, la SEMIDEP a lancé un appel à projets, en vue de l'attribution d’une convention d’occupation de 35 mois, ce qui est relativement court. C’est le temps d’expérimentation d'un nouveau modèle économique, commente la SEMIDEP, qui sera associée à l'activité économique développée sur le site via un intéressement financier.

    « Nous sélectionnerons trois finalistes. Une décision de principe sera prise en juin pour que le finaliste puisse opérer dès la réouverture. L’opérateur retenu sera celui qui permettra la meilleure valorisation du domaine public », déclare le directeur général, qui n’ignore pas que les industriels locaux craignent l’arrivé d’un opérateur « étranger ». « Le seul objectif de cette opération est d’optimiser en termes d’activité, de chiffre d’affaires et d’emplois, l’utilisation de la grande forme », insiste fermement Jean-Yves Saussol, qui compte notamment sur les ressources financières dégagées pour consolider le plan d’aménagement global du site.**

    Adeline Descamps

     

    * Le sité géré par la Société des chantiers du Nord et de la Méditerranée (Normed) a fermé en 1987. De 1948 à 1987, 207 navires seront sortis des cales des Chantiers navals de La Ciotat (CNC).

    ** Depuis, en juin dernier, au terme d'un appel d'offres, la société d'économie mixte gestionnaire de la forme de radoub de La Ciotat a retenu l'Allemand Blohm + Voss, excluant de fait les deux opérateurs historiques de La Ciotat de la grande cale sèche.

     

     

    Le littoral méditerranéen, garage des bateaux

    « Historiquement, nous avons une culture de la construction navale dans la région, qui a laissé de bonnes bases en termes d’infrastructures à La Ciotat, à La Seyne ou à Marseille, avec de grands quais et des formes de radoub que nous pouvons valoriser pour développer l’activité. L'offre globale y est riche et diversifiée : à l'Est, le littoral plutôt dédié au brokerage et à l'accueil des yachts en période estivale, et à l'ouest, le refit, la maintenance et leur entretien en période d'hivernage ». C’est le potentiel régional vu par Riviera Yachting Network, association créée en 2000 de plus de 80 entreprises de la grande plaisance en PACA, dont 39 adhérents dans le refit, la maintenance et les services et 8 chantiers navals (Compositeworks, Chantier Naval de Sanary les Baux, Foselev Marine, International Marine Shipyard (IMS), Monaco Marine, Transmétal Industrie...

    Située « en plein triangle d'or du yachting mondial » avec 70 et 80 % (selon les sources) des yachts qui croisent en Méditerranée chaque année, les pôles d’activité régionaux s’organisent pour capter une partie de la maintenance des bateaux, qui revient souvent aux chantiers qui les ont construits, en Europe du nord.

    De fait, différents projets ont été ou sont en cours d’aménagement. Livré en décembre 2014, le « plus grand chantier d'entretien, de réparation et de transformation de yachts de Méditerranée » a pris possession de l’ancienne base aéronavale de Saint-Mandrier (Var), libérée par l’armée. D’une capacité d’accueil de plus de 100 yachts (sur deux exploitations) dont 15 à flot, le projet avait été initié en 2003 par le groupe Couach, qui à la suite des difficultés financières, a été repris par IMS qui l'a confirmé en investissant 23 M€ (la communauté d'agglomération Toulon Métropole Provence a de son côté injecté 2,5 M€ pour développer un parc d’activités). L’an dernier, entre janvier et mai (correspondant à la pleine saison), IMS 700, le nom du nouveau chantier, a traité 50 yachts. L’arsenal, qui se veut en complémentarité avec La Ciotat et Marseille, cible des unités de 25 à 60 m quand ses voisins traitent les plus de 60 m.

    Monaco Marine porte pour sa part un nouveau chantier à La Seyne-sur-Mer dans le Var, à l’endroit d’une partie des anciens chantiers navals de la Normed (30 000 m² du site du « Bois sacré »), dans la rade de Toulon. Un mix privé/public de 20 M€ (dont 14 M€ mis sur la table par Monaco Marine), dont il est attendu 40 emplois directs et 100 emplois indirects. Il sera dédié au refit et maintenance d'unités à voile ou à moteur de 10 à 60 m de long. La livraison est attendue pour mi-2017.

    L’industrie du yachting en PACA génère, selon Riviera Yachting Network, 728 M€ de chiffre d’affaires dont 150 M€ pour les activités de refit, maintenance et réparation des yachts. Les plates-formes de plaisance régionales traitent en moyenne l'entretien de 1000 yachts par an.

     

     

     

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