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Quand EDF et Engie emploient leur énergie à relever le défi climatique

Massileo et Thassalia. Deux solutions technologiques qui exploitent le pouvoir calorifique de la mer pour chauffer et rafraîchir. Toutes deux éprouvées à Marseille et très observées …en attendant une étude technico-économique comparative en utilisation réelle.
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    Lundi 16 octobre 2017

     

    Elles portent des noms aux consonances grecques et latines… Massileo pour l’une, Thassalia pour l’autre. La première est portée par le groupe EDF via quelques-unes de ses filiales, Optimal Solutions, cheville technologique, elle-même filiale de Dalkia. L’autre par Engie au travers de ses entités Cofely pour la partie thermique, et Climespace pour les réseaux de froid urbains,

    On les appelle indifféremment thalassothermie (selon EDF) et géothermine marine (selon Engie par analogie avec la géothermie qui désigne l'exploitation de la chaleur terrestre par l'homme) mais plus communément « boucle à eau de mer ». En référence au réseau long de 1,4 km pour Massileo et de 3 km pour Thassalia.

     

    Toutes deux exploitent le pouvoir calorifique de la mer…

    Les deux systèmes sont posés en bordure du bassin de Radoub dans l'enceinte du Grand port maritime de Marseille (GPMM).

    Ces solutions technologiques aux caractéristiques proches sont toutes deux éprouvées à Marseille au sein du quartier d’affaires Euroméditerranée, qui a bénéficié d’une grande opération de rénovation urbaine (opération d’intérêt national OIN) en deux phases, Thassalia dans le bassin de la Joliette, pour alimenter les bâtiments d’une zone allant de la tour CMA-CGM à la cathédrale de la Major, à quelques centaines de mètres à peine de Massileo pour desservir l’éco-cité Smartseille (soit dans la zone correspondant à la deuxième phase du programme). 

     

    Elles génèrent visiblement un réel intérêt collectif ...

     

    Il y avait en effet du monde sur la scène ce 13 octobre à l'occasion de l'inauguration de Massileo, qu’il faut sans doute lire comme un intérêt marqué pour les énergies renouvelables (une dizaine de discours !). Avec en maîtres de cérémonie Jean-Bernard Levy, le PDG d’EDF et Jacques-Thierry Monti délégué régional d'EDF.

    De part et d’autre : le maire de Marseille et président de la Métropole Jean-Claude Gaudin, le président de la Région Paca et député européen Renaud Muselier, la présidente d'Euroméditerranée Laure-Agnès Caradec, le président du conseil de surveillance du GPMM Jean-Marc Forneri, le secrétaire général pour les affaires régionales Thierry Queffelec (pour représenter le préfet de PACA qui prendra ses fonctions le 23 octobre en Auvergne-Rhône-Alpes), la directrice générale de Dalkia Sylvie Jéhanno, le président de l'Ademe Bruno Lechevin, le directeur de la mission pour les Investissements d'avenir à la Caisse des dépôts Nicolas Chung et Thierry Francq, commissaire général adjoint à l'investissement.

    Thassalia a été inauguré, pour sa part, il y a quelques mois, en octobre 2016, également par son président « national » Gérard Mestrallet et sa directrice générale, Isabelle Kocher, en présence de Stéphane Bouillon, le préfet de la région, de Renaud Muselier, alors président délégué de la région PACA, de Solange Biaggi, vice-Présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, de Laure-Agnès Caradec, de Christine Cabau-Woehrel, présidente du directoire du Grand Port Maritime de Marseille.

     

     

    Les porteurs des deux projets – Engie et EDF – en font une illustration emblématique de leur engagement dans l’efficacité énergétique des bâtiments. Et se posent en quasi pionniers…

    Ils signifient ainsi que la géothermie marine et la thalassothermie sont encore assez peu développées (mais largement au point, défendent-ils). Dalkia annonce enfin que la thalassothermie a déjà été « mise en œuvre à Monaco, Sète, Biarritz ou dans les pays nordiques comme la Norvège ».

    Engie note que la technologie est exploitée à Paris avec l’eau de la Seine, donc, mais qui sera ici utilisée pour la première fois avec de l’eau salé (une caractéristique qui pose des contraintes supplémentaires, notamment au regard du risque de corrosion des installations).

    Elle l’est aussi depuis 2008 à La Seyne-sur-Mer, ville labellisée « Territoire à énergie positive », où elle permet de couvrir en chauffage près de 30 000 m2 de bâtis.

    Tous deux parlent d’une technologie reproductible et se disent engagés dans des négociations en vue de la « poser » là où les conditions « sont favorables à ce type de structure ». Soit dans « les eaux tropicales ou la Méditerranée ».  

     

    On dit leurs technologies intelligentes car …

    … Car les bâtiments ne sont plus seulement consommateurs mais producteurs.

    … Car ils pratiquent la « solidarité énergétique » entre bâtiments (bureaux, logements …) selon les termes propres à EDF, qui consiste à troquer des calories contre des frigories et inversement (la chaleur dégagée lors de la production de climatisation pour les bureaux est récupérée et utilisée pour produire l’eau chaude sanitaire des logements et inversement).

     

    On dit leurs technologies vertueuses car …

    … Car l’alimentation en chaud et froid se fait à partir d’une énergie de 70 à 75 % renouvelable : l’eau de mer, avec un complément d’électricité et/ou de gaz. On ne peut pas vraiment « parler » de rupture technologique mais davantage de valorisation d’une énergie renouvelable, stable et locale.

    … Car le principe de récupération de la chaleur est en apparence simple : l’eau est puisée dans un bassin du port de Marseille, à 5 ou 7 m de profondeur, où la température reste relativement constante autour de 13°. Ses calories en hiver ou frigories en été sont récupérées par un échangeur thermique. L'eau douce tiède issue de cet échangeur est acheminée vers les pompes à chaleur qui délivrent chaud et froid via des boucles d’eau douce chaude ou froide pour les bâtiments, en fonction des besoins des usagers.

     

    On dit leurs technologies prometteuses car …

    … Car par rapport à un système de climatisation-chauffage classique, elles permettent de réduire l’émission de CO2 rejetés dans l'atmosphère et de diminuer la facture énergétique des clients.

    Selon le groupe EDF, Massileo affiche une réduction de près de 80 % le volume de CO2 rejeté dans l'atmosphère par rapport à une solution issue d'énergies fossiles, soit près de 616 000 tonnes par an, et diminue d'environ 30 % la facture énergétique de ses clients, sachant que pour 1 kW/h électrique consommé, le système peut restituer 4 kW/h de chaud ou de froid.

    In fine, le chauffage, l’eau chaude sanitaire et la climatisation seront produits avec une énergie à 75 % locale et renouvelable, les 25 % restants correspondant à l'électricité nécessaire au fonctionnement des 3 pompes à chaleur installées sur le site.

    Sa capacité de production de chaud et de froid s'élève à 21 MW dont 2,5 MW pour Smartseille, éco-quartier de 2,7 ha du promoteur Eiffage Immobilier raccordé. Mais Massileo est dimensionné pour desservir à terme une surface totale de 500 000 m² de bâti (logements, bureaux, équipements publics, hôtels...).

    Selon Engie, sa centrale de géothermie marine affiche une réduction de 70 % de gaz à effet de serre pour les bâtiments auxquels elle est raccordée, de 30 à 40 % d’économie sur leur facture par rapport aux énergies fossiles et de 65 % de consommation d’eau. Thassalia a recours au gaz à hauteur de 5 % via des chaudières gaz et à 25 % à l’électricité. La part des énergies renouvelables s’élève donc à 70 %.

    Sa capacité de production est de 19 MW (pour la production de chaud et de froid) en vue d’alimenter dans un premier temps 160 000 m2 de bâtis en chaud et en froid mais à terme – c’est à dire en 2020 - environ 500 000 m².

     

    Concrètement, leurs installations s’apparentent à …

     

    … un banal bâtiment industriel.

    Massileo se structure en trois composantes. Le premier est un local source situé dans l’enceinte du Grand port maritime de Marseille, à hauteur de la porte 2C - Saint-Cassien. Il est relié aux bâtiments qu’il doit desservir par deux « tuyaux » (circuits chaud et froid).

    Dans ce local se trouvent les pompes et échangeurs thermodynamiques en titane. Les pompes aspirent 450 m3 d'eau de mer à l'heure, par 4 m de fond, à une température variant de 12 ºC à 25 ºC selon la saison. Cette eau est filtrée puis dirigée vers des échangeurs. Le dernier élément est constitué d'une centrale de production de chaud et de froid, et de ses sous-stations là où elle doit être « livrée ». 

    La centrale Thassalia est alimentée en eau de mer, pompée à 7 m de profondeur par six pompes. L’eau de mer alimente des échangeurs thermiques reliés aux thermofrigopompes (TFP) et aux groupes froids. L’énergie est ensuite acheminée vers les bâtiments d’Euroméditerranée via un réseau d’eau douce chaude (60°C) et un réseau d’eau froide (5°C). Des chaudières à gaz d’appoint sont également intégrées au sein de l’installation Thassalia pour garantir la continuité de la fourniture d’énergie.

     

    En quoi diffèrent-elles donc ?

    En attendant de voir comment se comportent en utilisation réelle les deux technologies, les deux centrales différeraient, selon un expert de la place, principalement par la distribution de l’énergie produite.

    Dans le cas d'Engie, l'eau douce chaude ou froide est produite au niveau d’une grande centrale, elle-même en bord de mer et envoyée via un réseau directement vers les bâtiments utilisateurs situés assez loin de celle-ci.

    Dans le cas, d'EDF, il n'y a qu'un échangeur en bord de mer qui envoie de l'eau douce à la même température que la mer vers une centrale de production d'énergie située près des bâtiments.

    « Ce dernier système permet en théorie des pertes de chaleur moins importantes et d'utiliser d'autres sources d'eau chaude ou froide autoproduite localement pour alimenter la centrale pompe à chaleur, comme l’eau chaude dite fatale produite par les climatiseurs des logements ou par des capteurs solaires en toiture...Toutefois il est plus complexe et donc un coût d'exploitation probablement plus élevé. En cela, une étude technico-économique comparative des deux solutions en utilisation réelle sera très interessante », explique enthousiaste un spécialiste.

     

    Pour quel investissement ?

     

    Massileo a nécessité un investissement initial de 10 M€ (pour concevoir et réaliser les équipements) financés par la Caisse des dépôts (sous forme d'une prise de participation au capital), Optimal Solutions et Dalkia (50 %), l'ADEME (via son fonds chaleur à hauteur de 780 K€), l'Europe (via le Feder à hauteur de 942 K€) et la région Paca (1 M€). Une fois les 500 000 m2 raccordés, l’investissement atteindra les 28 M€, dont la moitié financée dans le cadre des Investissements d'Avenir.

    Thassalia a mobilisé 35 M€ (20 pour la centrale ; 15 pour les réseaux), dont 7 M€ d’aides publiques, Feder, Ademe et les collectivités territoriales.

     

    Reproductible ailleurs ?

    Toutes deux revendiquent le côté duplicable de leur projet et disent être en négociations avec d’autres collectivités. Sachant que près de 40 % de la population mondiale vit à moins de 100 km des côtes, les énergéticiens s’intéressent forcément au potentiel de ces technologies.

    De l’avis des observateurs, ces systèmes sont particulièrement adaptés à des zones de forte densité d’habitation et « a fortiori pertinents quand le terrain où ils se posent font l’objet de réaménagement urbain et où n’existent pas déjà des réseaux de chaleur existants. Ailleurs, vu les niveaux d’investissements, les collectivités opteront davantage pour la rénovation énergétique des bâtis et le développement d’énergies renouvelables plus simples comme le solaire. En l’occurrence, pour Euroméditerranée, qui se veut exemplaire, tous les éléments étaient réunis pour éprouver ce genre de solution ».

    Ainsi, la Métropole Nice Côte d’Azur, qui porte elle aussi une des très rares opérations d’intérêt national actuellement en cours – Eco Vallée dans la plaine du Var - évoque dans son mix énergétique des projets de géothermie et de thalassothermie.

     

    Le frein à ce nouveau potentiel d’énergie renouvelable : le coût de l’investissement ?

    Creuser, poser et enfouir des canalisations sous voirie, installer des pompes, des échangeurs (de surcroît en titane, cause métal anticorrosion), raccorder les bâtiments… le ticket d’entrée est élevé. Dans le cas marseillais, les risques sont largement assumés par le privé et c’est sans doute une des raisons qui ont permis de décrocher des subsides publics. Le montage financier reste à trouver donc pour exploiter pleinement ce nouveau gisement d’énergie renouvelable.

     

    Verdissement du bouquet énergétique

    Une autre incertitude plane sur l’avenir des financements accordés par l’État au développement des réseaux de chaleur de l’Ademe, qui a permis de financer de tels projets. L’enveloppe 2018 allouée par l’État au Fonds chaleur pourrait subir le couperet budgétaire. Depuis sa création en 2009, ce dispositif a permis de financer 3 988 installations de production de chaleur renouvelable, pour un montant de 1,57 Md€.

    « Il n’y a pas de solution miracle en matière d’innovations énergétiques, conclue Xavier Coudert, analyste économique Développement durable à la CCI Marseille Provence. On n’atteindra pas les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte avec une seule énergie. C’est en ayant recours à un bouquet énergétique s’appuyant sur les ressources renouvelables disponibles sur les territoires tout en favorisant l’efficacité énergétique que l’on pourra apporter des réponses locales, pertinentes et résilientes face aux enjeux climatiques ».

     

    --- Adeline Descamps ---

     

    Photo : Jean-Bernard Levy, PDG d'EDF lors de l'inauguration de Massileo le 13 octobre dernier.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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