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Restauration : La contre-proposition des chefs de la bistronomie

 Ils possèdent tous les ingrédients de la haute gastronomie mais sans les additions hors sujet. Ils offrent une cuisine « nourrie » par le paysan du coin et servie sans cloches. Focus sur ces nouveaux chefs qui contribuent à l’enrichissement de la destination touristique provençale.
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Mardi 14 février 2017

 

Des Michelin sans étoiles. C’est ainsi que Alain Paulin, président de l’UMIH 13 et élu de la CCI Marseille Provence, présente cette nouvelle génération de chefs affranchis, nouveaux espoirs des pianos formés dans les arrière-cuisines des grandes maisons étoilées et ayant engrangé suffisamment d’exigence technique, de rigueur d'exécution et de savoir-faire pour mener un chemin plus singulier dans le paysage gastronomique. En décloisonnant la cuisine de sa version aristocratique truffes et grandes toques et faisant fi des cases préétablies du « guide rouge », le parcimonieux distributeur parcimonieux d’étoiles depuis 117 ans*. Au menu, une cuisine entre haute gastronomie et culture « bistrot », des cartes courtes (mettant au cœur de l’assiette un produit-roi joué au plus près des saisons et des terroirs), à prix aimables (entre 25 et 60 €) dans un décor sans artifices (sans nappes, vaisselles en argent et décorum) mais à la convivialité du coude-à-coude.

 

Une cuisine sans barrière sociale

Initié en 1992 par le chef Yves Camdeborde qui s’était échappé du Crillon pour créer La Régalade (Paris 14e arrondissement), ce nouvel ordre culinaire n’a trouvé de qualificatif que dans les années 2000 lorsque Sébastien Demorand, le cofondateur avec Alexandre Cammas du guide Fooding, lui a prêté le nom-valise de « bistronomie », contraction de « gastronomie » et du « bistrot ».

Depuis, les établissements de ce genre se sont multipliés. Et c’est d’ailleurs de l’écurie du Crillon étoilé où ont été formés les plus grands sous la houlette de son chef d’alors Christian Constant, que s’échapperont ceux qui deviendront les emblèmes d’une bistronomie d’abord parisienne : Thierry Faucher (L'Os à Moelle, Barbezingue), Thierry Breton (Chez Michel, Casimir, La Pointe du Grouin), Christian Etchebest (deux Cantines duTroquet), Stéphane Jégo (L’Ami Jean), Julien Duboué (La Table d’A Noste), Bruno Doucet (La Régalade), Bertrand Grébaut (Septime)…

Paradoxalement, la « bistronomie » n’a fait son entrée dans le Larousse qu’en 2016 alors que le terme est déjà bien daté pour définir ce mouvement qui a « apporté une offre intermédiaire entre le restaurant sans prétention et la haute gastronomie pas accessible à tous », relève Alain Paulin.

 

Replique bistronomique

Le Guide Michelin a été créé en1900 mais sa classification a été mise en place entre 1926 et 1936. 

Ce 9 février, le « Michelin » a donc attribué une fois de plus, ses redoutables macarons aux grands de la gastronomie mondiale (28 pays) au cours d’une cérémonie au Palais Brongniart à Paris, devant un parterre de 800 personnes. Incarnation vivante de l’attrait inaltérable qu’opère et a toujours exercée la bonne chère au pays de Rabelais et de Brillat-Savarin tout autant qu’un défi à l’entendement. Car en dépit de la fréquentation des établissements étoilés, de l’engouement pour les chefs starifiés par le petit écran, de l’appétit pour les produits de qualité et locaux et la consommation des produits dérivés (livres de recettes et guides de cuisine), la profession reste confrontée au défi de la rentabilité.

Et c’est certainement sur le segment de la haute gastronomie, celle où l’assiette est pourtant la plus chère (selon Gira Conseil, le ticket moyen d'un 3 étoiles est de 250 €, 150 € pour un 2 étoiles et 75 € pour 1 étoile) qu’elle est la plus difficile à assurer, même si le guide Michelin confère de façon instantanée un carnet de réservation rempli : « L’ impact est indéniable : entre 30 et 40 % de clientèle en plus la première année », a constaté Fabrice Bazin, le chef du « bistronomique » marseillais O’Bidul, qui a fait ses classes auprès des plus belles maisons de la région (Le trois étoiles L’Oustau de Baumanière, aux Baux de Provence, Le Caribou, La Bastide de Cabriès …).

 

Les étoiles ne garantissent pas la rentabilité

Selon une étude menée par Olivier Gergaud, professeur d’économie à Kedge Business School sur les comptes de 15 restaurants promus ou rétrogradés par le « guide rouge » entre 2003 et 2014, les étoiles « dopent certes le chiffre d’affaires d’environ 80 % sur 3 ans mais les investissements importants qui suivent et précèdent cet évènement amenuisent les profits qui demeurent au mieux epsilonesques, de l’ordre de +17 000 € ».

Les rétrogradations, plus rares, mettraient quant à elles en péril les finances des restaurants : « en moyenne, les 5 restaurants 2 ou 3 macarons pour lesquels nous avons pu éplucher les comptes ont vu leurs profits passer de 327 000 € à -160 000 €, soit une baisse tragique de 149 %. Le chiffre d’affaires étant resté lui quasi stable (+4 %). La situation s’explique notamment par une hausse chez certains du nombre d’employés dans l’espoir, sans doute, de récupérer au plus vite les étoiles perdues », analyse l’économiste.

 

« Dans le monde de la haute gastronomie, la rentabilité est très difficile à trouver. Obtenir une étoile, et surtout ne pas la perdre, suppose d’investir en permanence pour maintenir une qualité de service irréprochable, ce qui impacte inévitablement les comptes d'exploitation, si bien qu’il y a peu de deux ou trois étoiles indépendants à 100 %. Soit vous avez un couple, la femme en cuisine et le mari en salle ou inversement, qui travaillent comme des damnés, soit le propriétaire est un investisseur », confirme Christian Ernst, une signature de la sphère gastronomique marseillaise, étoilé Michelin 2008 dans la catégorie espoir finaliste du championnat de France des desserts.

 

« Quand on investit 1 M€/an, on a moins l’impression de jouer sa vie sur une coquille Saint-Jacques »

Pour sa énième entreprise, l'entrepreneur marseillais, qui a dirigé le Charles Livon, Le Moment et qui est désormais aux fourneaux du Rowing Club, ne veut plus être pollué par « tout ce qui coûte cher mais n’est pas dans l’assiette » et a fait le choix d’une cuisine méditerranéenne avec des produits de saison et en circuits courts : « c'est idéal car dans les gènes du terroir ».

 

« Quand on investit 1 M€/an, on a moins l’impression de jouer sa vie sur une coquille Saint-Jacques. Je travaille avec moins de stress généré par l’obligation de résultat et la rentabilité. Le calcul est vite fait. Sur 20 repas pris à l’extérieur dans l'année, on va en faire 1 à 3 dans un gastronomique contre 15 ailleurs ».

Selon le groupe SVP, 1 % des repas servis en restauration hors domicile (RHD) le serait en restauration gastronomique. Près de 8 à 9 % du chiffre d'affaires de la RHD serait apporté par la restauration gastronomique.

Investissements lourds (on estime qu’il est de 2 300 à 4 600 euros HT par place), charges élevées, fréquentation en dents de scie... Le schéma économique d’un « gastro » est complexe. Et ce d’autant que le prime cost (somme du coût des matières premières additionné aux charges de personnel) se situerait autour de 90 % (contre 30 % en restauration traditionnelle) et la marge nette ne dépasserait jamais 3 ou 4 %, quelle que soit la diversité structurelle des établissements. Autant dire que la moindre variation du chiffre d’affaires creuser l’écart de résultat.

 « Un bistro bien géré dégage une marge avant impôt de 12 % à 18 %. Pour un restaurant gastronomique, le ratio est de 6 % à 8 % », avance de façon plus optimiste Francis Luzin, le fondateur du magazine Le Chef.

« La cuisine est aujourd'hui bien plus technique. Elle requiert plus de main d'œuvre qualifié représentant une part importante du prix facturé (selon les études, de 30 à 40 % du prix facturé, la matière première un tiers pour un gastronomique et le loyer entre 10 et 20 %, NDLR). A fortiori dans la restauration, les entreprises souffrent de charges trop lourdes, de normes trop changeantes, de formations mal adaptées et de difficultés à embaucher. Avec en plus, une pression foncière sur ce territoire qui rend le ticket d’entrée élevé. Beaucoup n’ouvrent pas le soir pour faire des économies de main d’œuvre », ajoute Alain Paulin.

 

Cuisine vraie et addition qui sourit

L’élu consulaire voit d’un bon œil l’émergence d’une nouvelle génération de chefs qui se revendiquent du concept de « bistronomie » : « En termes de gastronomie c’est bien le client qui décide car cela touche directement sa sensibilité. Il doit en avoir pour tous les gouts et toutes les bourses. Tout comme les grands chefs de nos restaurants étoilés, ils viennent enrichir l'offre du territoire autour de produits de qualité et sourcés auprès de producteurs locaux. Ces deux sensibilités jouent le rôle d’ambassadeurs de notre territoire car il le raconte en mettant en scène ses produits. Cette cuisine, reflet de la méditerranée, fait partie des atouts d’une destination touristique. Se distinguer en outre de la Côte d’Azur avec une offre gastronomique à prix abordable, privilégiant des circuits courts, produits simples et travaillés, c’est un bénéfice inestimable ».

 

 

Il y avait donc les talents fulgurants - Jean-Luc Rabanel en Arles, Alexandre Mazzia à Marseille, Christophe Dufau à Vence, Mauro Colagreco à Menton...-,les confirmés, Christophe Bacquié au Castellet, Dimitri Droisneau à Cassis, Jérôme Roy à Mane, Ronan Kervarrec à Èze-Village... Voici les chefs hors des sentiers balisés déjà incarnés dans les Bouches-du-Rhône par quelques dizaines d'adresses, dont certaines affolent les réseaux sociaux : Michel Portos au Malthazar, Fabrice Bazin à O’Bidul, Yannick Stein à L’Escapade marseillaise, Arnaud Carton de Grammont au Café des Épices, Gérard Guilly au Rabelais à Saint-Chamas, Fabien Morreale au Garage à Martigues, Natacha et Ronan Duffait à La table de Beaurecueil à Beaurecueil…

« Ce sont souvent des adresses fortes en gueule, avec un mec dingue de bons produits, qui a envie de raconter sa propre histoire, les qualifie Alexandre Cammas. Ce sont des maisons éprises de liberté. Le public préfère de loin bien manger que savoir qu’un chef a eu sa troisième étoile ».

« Ils ont institué un autre rapport au client. Ils habitent les lieux et font les tours de table » relève pour sa part Alain Paulin. « La réussite d’une entreprise est dans la satisfaction de ses clients », assure Christian Ernst, qui ne repartirait dans la course aux étoiles et autres reconnaissances que si son équipe le demandait.

 

Carnet complet midi et soir 

O'Bidul est complet tous les midis et soirs, 15 jours à l’avance. Le bistronome marseillais a bénéficié d'un succès viral quasi immédiat.

« Je réalise essentiellement des cuissons courtes que je termine au four pour ne pas être bloqué derrière mon fourneau », explique Fabrice Bazin, qui assure le gîte et le couvert d'O'Bidul : il accueille ses clients en tenue, les installe, prend les commandes et réalise le service pour ne pas charger sa structure et pouvoir « travailler avec juste l’envie de me faire plaisir et de faire plaisir ».

Le jeune chef a ainsi démarré sans trésorerie mais a enregistré rapidement un succès viral (resté premier sur Trip Advisor pendant plus d’un an). Cultivant sans le vouloir l’exclusivité, affichant une carte qui ne contient que deux entrées, deux plats et deux desserts, son antre à la capacité de 16 couverts affiche complet tous les midis et soirs, 15 jours à l’avance, avec un panier moyen de 28 € le soir et 17,50 € le midi.

« Je pourrais faire un peu plus mais je ne pourrais plus alors garantir la même qualité et présence. Je veux continuer à faire les courses le matin selon mes envies et imaginer mes recettes en fonction du marché dans le respect du produit de saison, y compris pour les poissons ».

Épeautre du Mont-Ventoux, agneau de Sisteron, viande de l’Aubrac, légumes de l’AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), ses fournisseurs le soignent : « ils me réservent les plus belles pièces. Le mareyeur m’appelle quand il a du maigre sauvage ». Fabrice Bazin, qui défend une « cuisine généreuse et savoureuse » qui ne soit pas réservée à une classe sociale, revient du Sirha de Lyon où il a déniché un chocolat sans gluten : « je vais enfin faire manger du dessert à certains de mes clients »

Fabrice Bazin, qui ne veut plus se faire dicter les gammes « par des chefs exécutifs qui ne soient pas cuisiniers » (une allusion à ces maisons étoilées où les clés de la cuisine sont confiés à des managers sans formation), cherche actuellement un local dont il serait cette fois propriétaire.

 

Animé par la quête au graal ?

 

« Marseille réapparait sur la carte gastronomique française », assure pour sa part Yannick Stein, « ces dernières années, on parlait davantage de ce qui se faisait à Lyon, Bordeaux ou Toulouse. Cela bouge depuis quelques années : Gourméditerranée (association de promotion de la gastronomie du territoire présidée par Gérald Passédat, dont le vice-président est Lionel Levy et dans laquelle Michel Portos et Christian Ernst sont des membres actifs, Ndlr) y a beaucoup contribué pour faire émerger une nouvelle génération de chefs ».

Derrière les casseroles et les fourneaux de L’Escapade marseillaise, qui vient de passer de la rue de la Caisserie à la rue Paradis à Marseille, Yannick Stein a fait ses classes auprès de nombreux chefs étoilés après ses études au lycée hôtelier de Marseille-Bonneveine : dans la bande du chef Alain Burnel au sein de L’Oustau de Baumanière, auprès de Dominique Frérard (Les Trois forts), avec le chef Alexandre Pinna (Chez Fonfon), à Paris dans l’ombre de Alain Passard (L’Arpège), et de Stéphane Guaborieau, étoilé et Meilleur Ouvrier de France 2004 (Le Pergolèse), puis second de cuisine du Marseillais étoilé Lionel Levy (Une Table, au sud).

« J’exploite aujourd’hui ce que j’ai appris pour le mettre au service d’une cuisine de qualité mais accessible ». Dans un esprit nouveau bistrot chic avec une entrée/plat/dessert à 20 € le midi et un système plus « gastro » le soir, entre 38 et 50 €, L’Escapade, après travaux, sera tablée à 50 personnes : « c’est un volume cohérent pour que le client soit satisfait : nous serons 3 en cuisine et 3 en salles ».

Le chef, pour lequel les clés pour réussir dans ce métier reposent sur la bonne gestion de la matière première – « obtenir au meilleur prix sans concéder une once sur la qualité » -, n’exclue pas de se challenger au travers d’une quête à la reconnaissance en se confrontant aux limiers du Michelin. « Il faut répondre à un certain nombre de critères qui ne me semblaient pas correspondre à ma façon de travailler mais l’équipe est motivée et le vit comme un défi. Je vais suivre mais avec une cuisine fine et travaillée qui n’enflammera pas l’ardoise et n’entrera pas dans des codes guindés : on ne veut pas faire fuir notre clientèle et on ne se lancera pas dans la multiplication des restaurants, les produits dérivés ou l’édition de livre de recettes », promet-il (sournoisement).

 

Consommateur versus inspecteurs Michelin

 A l'heure où la concurrence entre restaurants s'accroît, la bistronomie commence à faire de l'ombre aux tables étoilées si bien que le guide Michelin s’est mis à les reconnaître en leur concédant aussi des reconnaissances (faut-il s’en désoler : accélération ou frein à la créativité ?). « Le Michelin finit par l’entendre car cela correspond aux attentes des consommateur qui notent aussi mais autrement via les réseaux sociaux », insiste Christian Ernst.

 D'autres restent arc-boutés sur leur conviction : « Il me plaît à dire qu'on peut vivre sans les étoiles Michelin, mais on vit beaucoup mieux avec ! ». Plat signé : Alain Ducasse, qui au cours de sa carrière, les as perdues bien des fois.

 

Adeline Descamps

*critères du Guide Michelin : choix des produits, maîtrise des cuissons et des saveurs, personnalité de la cuisine, constance de la prestation et bon rapport qualité/prix

 

La restauration en quelques données

- 5e secteur d’emplois avec près de 800 000 emplois salariés

- 177 000 entreprises, dont plus de 18 000 à Paris et alentours et entre 7 500 et 10 000 pour les départements des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes

- Un chiffre d’affaires de 87 Md€ pour les métiers de la restauration

-  Un rôle d’entraînement pour d’autres secteurs économiques : l’industrie agroalimentaire (10 % du chiffre d’affaires de l’industrie agro-alimentaire), la pêche (17 % des dépenses en France sur le marché de la pêche et de l’aquaculture), la viticulture, mais aussi le tourisme ou les équipementiers de cuisine professionnelle.

- Un marché exploité aux 3/4 par des indépendants

- Les TPE représentent 56 % de la valeur ajoutée et 52 % de l’emploi salarié

- Une entreprise de restauration sur trois n’a pas de salarié

- 50 % des patrons de restaurants ont plus de 50 ans ; seuls 2 % des dirigeants de ce secteur ont moins de 30 ans

- En moyenne, un établissement compte 63 places assises et 40 en terrasse

- 91 % des restaurants ouverts sur le créneau du midi contre 79 % le soir. Le dimanche reste une journée majoritairement travaillée

- Un chiffre d’affaires en baisse de 3,2 % en 2016 par rapport à 2014

- Une fréquentation des établissements de restauration en recul de 3,3 % ces deux dernières années

- Un ticket moyen en diminution de 5,1 % également par rapport à 2012

 

Michelin : L'adoubement céleste

Il a beau faire l’objet de campagnes de dénigrement chroniques. La sortie annuelle de l’édition de la plus célèbre référence gastronomique mondiale, vendue à 120 000 exemplaires, continue d’affoler l’écosystème en quête d’adoubement pour goûter à la gloire des Robuchon, Gagnaire, Blanc, Pourcel et désormais Yannick Alléno. 800 personnes étaient réunies ce 9 février au Palais Brongniard pour avoir accès au palmarès qui allait classer et déclasser les ténors de la haute cuisine.

70 nouvelles tables font leur percée dans l’édition 2017 tandis que 52 en perdent une ou plusieurs. Au total : 616 restaurants toqués d’une, deux ou trois étoiles : une « cuisine remarquable, valant le voyage » pour les 27 trois étoiles 2017, « une table d’excellence méritant un détour » pour les 86 deux étoiles, et 503 tables « très bon restaurant dans sa catégorie » à une seule étoile. Yannick Alleno (48 ans) est le seul chef à rejoindre cette année les trois étoiles du Michelin 2017 pour le restaurant 1947 du Cheval Blanc à Courchevel, chalet construit par LVMH et Bernard Arnault.

Cette année, la Provence (Bouches-du-Rhône, Vaucluse et Alpes-de-Haute-Provence) gagne 4 nouveaux étoilés (sur un total de 33). C’est surtout l’émergence d’une femme, la seule, Fanny Rey, ex-finaliste à Top Chef, formée notamment à l'Oustau de Baumanière (2 étoiles) et installée à Saint-Rémy (L'Auberge de la Reine Jeanne), qui a fait parler le territoire.

 

 

Ombres et lumière de la gastronomie française

La gastronomie française, inscrite depuis 2010 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, revient de loin. Les années 90 furent particulièrement douloureuses. Avec en point d’orgue un dossier de 5 pages dévastatrices paru dans le New York Times, en 1995, qui faisait écho à un classement paru dans la revue britannique Restaurant deux ans plus tôt inventoriant les cinquante plus grands restaurants du monde paru, dans lequel le premier et le seul Français, Joël Robuchon, se classait cinquième.

En 2003, le « World's 50 Best Restaurants » récidive dédaignant cette fois les adresses gastronomiques traditionnelles mais saluant une nouvelle génération de cuisiniers plus « rock'n'roll » avec en rock star, Iñaki Aizpitarte et Bertrand Grébaut.

En 2004, Sébastien Demorand invente la « bistronomie » pour mettre un mot sur une tendance née au début des années 1990, lorsque des chefs formés dans les palaces (Christian Constant, Yves Camdeborde, Éric Frechon…) dynamitent les codes du luxe, soignant l'assiette et les produits sans y mettre trop de manières.

En mai 2005, Alain Senderens rend ses trois étoiles au Michelin, rebaptise le Lucas Carton (Paris) à son nom et revoit sa cuisine : des produits moins luxueux et une addition divisée par trois (de 380 à 120 € en moyenne). Deux ans plus tard, Olivier Roellinger lui emboîte le pas à Cancale.

En 2014, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius invente le mot « gastrono-diplomatie ». En janvier 2015, le nouveau Michelin est dévoilé pour la première fois au Quai d'Orsay. Le ministre s'allie à Ducasse et lance l'opération Goût de France-Good France, qui fédérera sous le signe du patrimoine culinaire français, plus de 1 000 cuisiniers à travers le monde.

La France mise alors sur ce secteur, capable tout à la fois d’accroître son attractivité touristique, d’irriguer l’économie d’un pays en valorisant son activité agricole et agroalimentaire et son savoir-faire en matière de formation aux métiers de l’art de la table de la gastronomie et de l’hôtellerie et compte en faire une arme de conviction dans les relations internationales (un soft power diplomatique) : Louis XVI ne s’appuyait-il pas déjà sur la gastronomie pour tirer leur épingle du jeu lors de négociations diplomatiques ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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